La capitale

"Ils sont partis?"

S'étonnant un peu de trouver ses compagnes seules lorsqu'il revint le lendemain, John vit Ambre étouffer un rire.

"Avec le boucan que vous nous avez offert la nuit dernière, ils ont fini par être terrorisés. Ils ont plié baguage aux premières lueurs, nous ont remercié une dernière fois et sont partis sans même déjeuner...ça va vous deux?" demanda-t-elle finalement, se penchant pour jeter un petit regard inquisiteur à la louve suivant le mage.

"On dirait que oui..." Poursuivit-elle, un petit sourire taquin aux lèvres.

"Quelqu'un veut du fromage? Les marchands nous ont laissé le reste de leur meule." proposa Lin-Lin, se coupant un généreux morceau.

"Je prend!" clama John, son ventre gargouillant sévèrement.

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"Impressionnant..." siffla le mage.

Déjà de loin, la cité paraissait immense, mais ce n'était qu'en s'approchant qu'on se rendait compte combien les murs de la cité montaient haut vers le ciel, rendant la cité du griffon quasi imprenable.

De petites habitations et campements temporaires se trouvaient ici et là sur la route, des fermiers dont le rôle était d'approvisionner la cité en céréales ou en bétail, voir des marchands et aventuriers attendant de recevoir l'autorisation de venir faire leur affaires à l'intérieur des murs.

Une longue file de piétons et chariots avançait lentement sur la route, les grandes portes servant en même temps de poste de contrôle gardé par une trentaine de garde en faction, hommes et femmes de métier occupant tout les postes nécessaires, combattant de contact, archers et mages.

"On ne plaisante pas avec la sécurité ici." observa Ambre.

"Griffinia est la capitale du royaume, on ne laisse pas y pénétrer n'importe qui." répondit Samia.

"Tu veux me faire croire qu'il n'y a pas un seul criminel dans toute cette gigantesque cité?" demanda John en retour.

"Ho si, un paquet, mais ils ne passent pas par ici."

La réponse à la fois franche et d'un calme admirable fit soupirer le mage qui, faute de mieux, se décida à patienter.

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"Veuillez présenter vos laisser-passer!" ordonna l'un des gardes, sans doute pour la millième fois depuis le début de la journée.

"Nos quoi?"

Surpris par la demande, John se tourna naturellement vers Samia qui, faute de mieux, lui servait de guide social en la matière.

"C'est un papier officiel requis pour passer, y sont magiquement inscrit nos noms, niveaux, titres et capacités. C'est un moyen plutôt efficace de rapidement cerner les criminels, je m'en occupe."

S'avançant vers les gardes, mais s'arrêtant à une distance respectable, l'halfeline s'inclina un instant pour les saluer.

"Mes respects, Monsieur. Notre groupe a rencontré quelques mésaventures sur la route, nous souhaiterions obtenir de nouveaux laisser-passer."

Mécontent, le soldat soupira en montrant un petit poste de garde sur la gauche, lui-même surveillé par d'autres hommes et femmes en armes.

"Présentez-vous à l'examinateur! Une pièce d'argent sera exigée par document. Si vous ne possédez pas la somme requise, merci de bien vouloir circuler séance tenante."

"Merci." conclut simplement la voleuse en poursuivant sa route, faisant signe aux autres de la suivre.

"Dis-moi, c'est bien prudent? Imagine qu'une de nos capacités ne soient pas légales...on ne risque rien?" demanda Ambre, méfiante.

"Ne t'en fais pas. Seules quelques capacités particulières sont considérées comme illégales, et au pire on risque une amande et une somation de ne pas en faire usage en ville. Tout va bien se passer..."

"Faisons-lui confiance, elle connait bien mieux que nous ce genre de chose." proposa Lin-Lin, se voulant rassurante.

"J'imagine. C'est tout de même plus simple chez les fées..."

"Comment ça se passe, chez toi?"

"Grosso modo, si les esprits de la foret ne vous sentent pas, ils vous expédient tête la première hors des bois, et peu souvent avec délicatesse."

"Rapide et efficace, j'approuve." acquiesça Giriel.

Le groupe arriva rapidement au poste de garde, entrant sous le regard méfiant des soldats montant la garde.

"Combien de personnes?" demanda un mage derrière un comptoir sur lequel reposait un boule de cristal opaque.

"cinq."

"Chacun votre tour, veuillez poser la main sur la sphère de contrôle et attendre que votre laisser-passer soit produit..." expliqua-t-il en présentant une coupelle où John , comprenant aisément de quoi il s'agissait, déposa la somme requise.

"Je passe première, histoire de vous montrer." annonça Samia, joignant le geste à la parole.

Posant la main sur la boule, il ne fallut guère de temps avant qu'apparaisse une espèce de carte d'identité translucide qui, voletant au-dessus de l'outil magique, fut lue par le mage, vérifiant l'identité de la femme.

"...Halfeline...niveau trente-et-un?"

"Tu t'es bien améliorée depuis la dernière fois." félicita Ambre.

Ne prêtant pas attention à l'échange entre les deux femmes, le mage poursuivit et, ne trouvant rien de suspicieux, fit signe à la personne suivante d'avancer.

"J'y vais?" proposa Lin-Lin.

"Si tu veux." accepta John, ayant choisi de passer en dernier.

L'une après l'autre, attirant chaque fois un peu plus l'attention des gardes surveillant l'endroit, les compagnes du mage passèrent sans problème le contrôle.

*On dirait bien que mes capacité de luxure ne sont pas reconnues par ce contrôle...peut-être est-ce une capacité unique? Dans tout les cas, ça m'arrange.* Pensa John, un petit sourire en coin se dessinant sur son visage en voyant l'air méfiant des gardes.

Si Samia avait le niveau le moins élevé du groupe, chacune de ses amies faisait déglutir un peu plus le mage derrière son comptoir.

Lin-Lin: niveau trente-neuf

Giriel: trente-sept.

Ambre: quarante-deux.

Les différentes capacités des femmes ne firent rien pour rendre le contrôle moins bizarre, en particulier la louve pouvant faire appel à la forme berserk.

"Je pensais que seuls les orcs étaient capable de ce genre de chose...comment avez-vous fait?" demanda le contrôleur.

"J'ai un bon Maître." répondit simplement la guerrière, souriant l'espace d'un instant lorsque John, lui passant à côté, lui accorda une affectueuse claque sur les fesses.

"Elle est bien trop humble. Vous n'imaginez pas combien elle s'est donnée pour y arriver, c'était à la fois impressionnant et beau à voir...c'est mon tour?"

"Heu...oui, tout à fait."

La loi n'obligeant en rien les aventuriers à préciser, il fallut bien laisser poursuivre le contrôle au nouveaux-venus.

"Et donc pour vous...niveau cinquante-sept..."

Lâchant un petit rire amusé en voyant le mage de la cité presque s'étrangler, Ambre embrassa la joue de son homme.

"T'as pas honte? Tu fais peur au monsieur..." lui dit-elle à l'oreille, assez fort pour être entendue, avant de la lui mordiller.

La liste des différentes capacités de l'homme, exceptions faites de celles directement liées à la luxure, défilèrent sous les yeux attentifs du contrôleur, les gardes autour tentant de rester un minimum discret tandis qu'ils se tenaient près à intervenir au cas où l'alerte serait donnée.

"J'ai l'impression qu'ils sont plus nombreux qu'avant..." s'amusa John.

"Rien d'étonnant. Nous sommes un brin plus inquiétant que la normale." répondit Samia, faisant tout son possible pour garder ses mains en évidence, souhaitant sans doute éviter un geste fortuit pouvant faire dégénérer la situation.

Mais, finalement, le contrôleur termina son examen et, acquiesçant plus pour le capitaine des gardes présents que pour ceux contrôlés, poursuivit.

"Je n'ai rien relevé d'inquiétant, vous êtes libre de passer. Gardez vos documents sur vous, ils peuvent vous être demandés à chaque instant par la garde. Le haut-niveau est réservé à la noblesse, ou ceux ayant un sauf-conduit délivré par un habitant du haut-niveau. Le bas-niveau est libre d'accès, mais la cité ne serait être tenue responsable de ce qui pourrait vous y être dérobé...bien qu'en toute franchise, je doute que votre groupe puisse y rencontrer de réels problèmes..." admit finalement le contrôleur.

"Et pour prévenir quelqu'un d'en-haut de notre présence ici afin qu'il puisse nous faire passer, comment faisons-nous?" demanda John, curieux.

"La guilde des messagers saura vous aider. Vous la trouverez au quartier des guilde, au moyen-niveau."

"Merci pour l'information." conclut John, se dirigeant vers la sortie avec ses compagnes, les gardes s'écartant pour les laisser passer.

"Niveau cinquante-sept?" redemanda le capitaine, une unique goute de sueur perlant de ses tempes.

"Et les capacités qui vont avec, Monsieur...ne devrions-nous pas prévenir quelqu'un?" proposa le mage.

"Sans doute...faites-les surveiller, juste au cas où..."

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"Et maintenant? Que faisons-nous?" demanda Lin-Lin, curieuse.

"Je dois faire parvenir un message au château, donc direction la guilde des messagers. D'un autre côté, rien ne nous empêche de visiter un peu sur le chemin." proposa John.

Le moyen-niveau était aussi celui où se trouvait l'entrée principale de la cité. De nombreux bâtiments de tailles diverses et variées s'agglutinaient les uns aux autres, plusieurs rues grandes et petites divisant en différents quartiers les immenses niveaux de la cité qui, séparés par des murailles toujours plus hautes, n'étaient pas du tout visibles les uns depuis les autres, encore que la vue depuis les quartiers nobles devait offrir un intéressant panorama.

"John! Par ici!"

Tirant l'homme par la manche, Lin-Lin la première attira le mage à travers des ruelles, le groupe finissant par arriver sur une grande place qui, visiblement, accueillait en ce jour un grand marché.

"Tout sens si bon! Je n'ai jamais goûté à ce genre de chose!" expliqua l'ancienne esclave, son regard gourmant allant d'une échoppe proposant différents genres de grillades à un étal de boulangerie où des gâteaux au miel, fumants et dorés, semblait littéralement les appeler.

"Pourquoi ne pas goûter deux ou trois choses? On a le temps, non?" proposa Ambre, ce à quoi acquiesça le mage.

"Je commençais à avoir faim de toutes façons, autant joindre l'utile à l'agréable..." répondit-il en se faisant le plus grand possible, cherchant à apercevoir quelconque indication sur où pouvait bien se trouver les messagers dont il allait avoir besoin.

N'ayant pas attendu sa réponse, les filles s'étaient déjà séparées, prenant d'assaut les étals des différents vendeurs, certaines admirant robes et bijoux, d'autres bien plus intéressées par ce qui allait agréablement pouvoir leur remplir l'estomac.

"Cette viande est trop bonne! Juteuse à souhait!" complimenta Giriel, mordant à pleines dents dans une imposante brochette.

"Tu me fais goûter?" demanda John.

Tendant sa trouvaille vers lui sans pour autant la lâcher, la louve le laissa prélever une bouchée de ce qui lui rappela étrangement du poulet, mais avec une texture et une douceur plus proche du bœuf mariné et braisé, le tout lui apparaissant comme étant de la chair de monstre qu'il ne connaissait pas encore, ses capacités d'analyse prédatrice lui offrant plus d'informations.

"Du glizard...c'est intéressant." admit le mage, gratifiant le cuistot d'un pouce levé en lui glissant les pièces qu'il réclamait, la louve ne s'étant pas embarrassée de demander le coût de ce qu'elle prenait.

"John!John! Goûte ça!"

Surprenant l'homme, Lin-Lin lui enfonça presque une espèce de plume dans la bouche.

Faites d'amandes et d'une génoise proche de la frangipane, la douceur sucrée fondait presque sur la langue du mage qui, n'ayant pas le cœur à en vouloir à la pandakine lui souriant de toutes ses dents, ne put que la rejoindre dans sa bonne humeur.

"C'est délicieux, mais si tu pouvais éviter de m'enfoncer des trucs dans la bouche sans prévenir..."

Riant sans se cacher, Ambre coupa court à toute réponse de la pandakine.

"C'est un peu fort, venant de toi...comment tu nous trouve?"

Plutôt que de se remplir le ventre comme l'avait fait les anikines, la fée et l'halfeline s'étaient plutôt intéressées à des vendeurs de produits de beauté, maquillages et autres colifichets près desquels des espèces de petits salons d'appoints avaient été installés, ces derniers tenus par des professionnelles qui, pour une somme dérisoire, aidaient les clientes intéressées à utiliser au mieux leurs différents achats.

Et il semblait bien que les traits déjà forts agréables du duo avaient été un terrain fertile aux talents des vendeuses. La très légère touche de couleur aux bords des yeux, le brillant à lèvres ou encore le léger parfum émanant des deux femmes ne faisant qu'accentuer leur beauté naturelle.

Passant doucement la main sur la joue d'Ambre, John lui embrassa un instant les lèvres, offrant de suite après la même marque d'affection à Samia.

"Vous êtes à croquer...vous les avez remarqué?"

Profitant de la proximité avec la fée et la voleuse, il leur murmura quelques mots auxquels elles acquiescèrent discrètement.

"Ils sont discrets, mais oui. J'ai l'impression qu'ils te surveillent toi plus que nous, mais c'est difficile à dire..."

Peu de temps après qu'ils aient commencé à profiter des distractions du marché, John avait remarqué quelques silhouettes fort bien cachées dans la foules, une ou deux autres se cachant même sur les toits du quartier, ne les perdant pas de vue.

"Il fallait s'y attendre. Avec nos niveaux hors du commun et notre absence de papiers officiels, on allait forcément se faire surveiller, au moins pour un temps...que fait-on?" demanda Ambre.

"Rien. Nous allons poursuivre notre journée tranquillement et envoyer mon message à Arca. Après tout...nous ne sommes pas là pour faire du grabuge, pas vrai?" finit par demander le mage à ses compagnes, le duo d'anikines les ayant rejoint.

"Jusqu'à ce que tu nous ordonnes le contraire, on sera bien sages." promit Samia avec un petit sourire taquin en lui caressant le torse.

"Amusons-nous en attendant, dans ce cas."

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"Capitaine Arca! Un message pour vous!"

Arrivant au pas de course au château le soir venu, un messager spécialement désigné par la guilde, et possédant de fait les autorisations requises, se tenait à présent devant la semi-orc, un genou au sol, lui tendant le parchemin roulé et scellé.

Plus encore que le respect qu'imposait la position hiérarchique de la femme, l'aura d'impatience et de mécontentement généralisé qui émanait de la dangereuse guerrière empêchait l'homme de relever la tête, ne désirant pas faire la moindre erreur.

Depuis son retour de sa mission avec la princesse, le semi-orc avait progressivement sombré dans une mauvaise humeur qui, petit à petit, se laissait entrevoir.

Seul la famille royale et Alariel échappaient à sa colère qu'on mettait sur le compte d'une fatigue accumulée lors de sa mission.

De plus, la mage royale étant à présent souffrante, enfermée dans les appartements de la guerrière qui veillait personnellement sur elle, la semi-orc ne sortait que peu, profitant que la princesse était à l'abris dans les murs du château pour pouvoir s'occuper de son amie.

"Un message? Qui donc..." demanda-t-elle, méfiante et déjà lassée avant même de briser le sceau et de dérouler le parchemin.

Néanmoins, au fur et à mesure que ses yeux parcouraient les lignes, l'aura menaçante l'entourant s'allégea, finissant par se muer en un sourire carnassier digne d'un prédateur joyeux.

Un rire presque fou la secoua tandis qu'elle portait le parchemin à son nez, l'humant un instant avant de le tendre vers la plus proche torche, le détruisant par le feu.

"As-tu déjà été payé?" demanda-t-elle au messager qui acquiesça.

"Alors qu'attends-tu?!"

"Une...une réponse éventuelle, Madame."

"Inutile...je pars de suite à sa rencontre!" répondit simplement la guerrière, partant d'un pas rapide vers la sortie du palais.