La Reine et sa suite.

"Votre Majesté..."

Révérencieuse, Lin-Lin s'était de suite inclinée avec respect lorsque, accompagnée de son groupe, la tête couronnée était entrée dans la pièce.

Le reste du groupe, bien que moins enclin à respecter la famille du griffon, ne pouvait que voir combien leur sœur de cœur baissait volontiers la tête devant l'impérieuse femme aux traits à la fois agréables et impassibles. Aussi, faisant fi de leur propre sentiment envers la couronne, elles prirent sur elles d'immiter la pandakine.

Une chevelure de feu, à peine parsemée d'un ou deux cheveux un brin plus grisés, dont avait hérité sa fille, élégamment coiffée et le front orné d'une tiare d'argent représentant un aigle déployant ses ailes aux yeux de saphir, elle avait pour elle d'agréables formes que la mise au monde des trois héritiers du royaume n'avait en rien enlaidis, au contraire.

Sa robe verte émeraude mettait en valeur une voluptueuse poitrine et des hanches à peine assez large pour laisser rêveur, la coupe de l'habit autant que les quelques bijoux qu'elle portait ne faisant que complimenter à chaque instant la femme.

À sa suite se trouvait la jeune princesse ayant troqué ses habits de voyage pour une toilette saillant bien plus à son titre, la demoiselle observant avec curiosité les personnes présentes.

En plus des deux nobles se trouvaient plusieurs anikins.

la plus proche suivante de la reine, sa dame de confiance, partageait les traits d'une renarde à la fourrure d'or, ses yeux bridés fermés ne semblant en rien gêner sa vision. Vêtue plus élégamment que les autres servants, sa grande queue touffue remuait doucement tandis qu'elle ne loupait pas la moindre seconde de la scène, ses oreilles de renarde trésaillant de temps à autres lorsqu'une personne ou l'autre remuait.

Les six autres suivants, jeunes hommes comme femmes, étaient de parfaites copies de Mandarine, si ce n'était la couleur de leurs fourrure qui, au total, formait un véritable arc-en-ciel.

"Mandarine, qui sont ces gens? Je pensais qu'Arca nous avais annoncé la venue de Lin-Lin et John ..." s'étonne un brin la princesse, sa génitrice posant tout autant qu'elle et le reste de sa suite les yeux sur la servante qui, s'autorisant un léger rire gêné, s'inclina un instant avant de répondre.

"Princesse, si j'en crois cette jeune femme, il s'agît de la pandakine Lin-Lin, celle-là même que vous avez confiée à ce John Doe."

"Mandarine, tes yeux te joueraient-ils des tours? N'étais-tu point présente lorsque nous avons ramené et préparé la jeune pandakine avant le départ de la Princesse?" demanda la dame de confiance, amusée, tandis qu'ondulait doucement sa grande queue touffue.

Acquiesçant, ce fut la reine qui parla ensuite, sa voix parvenant à mêler douceur et impériosité dans un mélange envoutant.

"J'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer cette esclave avant son départ avec Alicia. Mis à part une vague ressemblance et une race similaire, il me parait fort peu probable que..."

"Et pourtant, c'est bien elle!"

Tous se tournèrent vers la porte où venaient d'arriver John au pas de course, légèrement haletant. Ce dernier jeta un rapide coup d'oeil aux groupe accompagnant la tête couronnée avant d'arquer un court instant un sourcil.

"C'est...un plaisir de vous rencontrer...veuillez excuser mon retard, j'ai eu du mal à trouver la bonne porte."

Apercevant la princesse, l'homme lui accorda un sympathique et poli signe de tête, faisant sourire cette dernière.

"Monsieur John, je suis heureuse de vous revoir. Mais alors, cette anikine est bien..."

Reportant son attention sur la concernée, la princesse fut une nouvelle fois saluée par la pandakine.

"C'est bien moi, votre Grâce. J'ai un peu changé, il est vrai, mais je suis bel et bien Lin-Lin." assura sobrement l'anikine, un petit sourire ému aux lèvres.

Un long silence plana un instant sur la pièce avant que la jeune héritière se précipite vers elle, la serrant un instant dans ses bras avant de lui tourner autour.

"C'est vraiment toi?! Lin-Lin, je n'en reviens pas, tu es si....enfin, tellement plus...que t'est-il arrivé?" s'étonna sans cesse un peu plus la jeune noble.

"C'est là une excellente question, à laquelle il me tarde d'avoir une réponse." dit ensuite la reine, sa suivante saluant le mage venant retrouver ses compagnes avant de parler ensuite.

"Monsieur John Doe, laissez-moi vous présenter la Reine Alexandria du Griffon, épouse du notre monarque Alberic du griffon, qui a tenu à vous faire l'honneur de sa présence pour votre visite en ce jour."

Se doutant bien, outre que Lin-Lin lui en voudrait sans doute un peu de manquer de politesse, qu'il serait malvenu de jouer les rustres face à l'une des plus puissantes personnes de ces contrées, le mage s'inclina avec respect.

"Vous m'honorez, Majesté. Je ne suis qu'un humble aventurier invité par votre fille qui s'en serrait voulu de lui faire faux-bond..."

*C'est sans doute pas les plus belles révérences du monde, mais j'y connais kepouik en étiquette, alors bon...*

Son côté un peu gauche en la matière ne sembla néanmoins pas déranger la reine qui, laissant entendre un léger rire amusé, l'enjoignit à se relever.

"Monsieur Doe. À en croire ma fille, vous avez été d'un précieux secours à son entreprise, soyez certains que vos amies et vous-même êtes les bienvenus dans ce château. J'ai grand hâte d'en apprendre plus sur vos aventures, mais notre curiosité à tous n'en est pas moins présente. Comment notre chère Lin-Lin ici présente a pu tant changer en si peu de temps?"

*Nous y voilà...*

La question allait forcément venir, l'homme et ses compagnes en avaient parlé avant d'arriver au château.

Aussi, ils avaient mis au point quelques détails qui, il fallait l'espérer, suffiraient à tromper les curieux.

"C'est de mon fait, Majesté." admit John avant de commencer à légèrement modifier la vérité.

"Je suis alchimiste à mes heures et, lors de mes nombreux voyages, je suis tombé sur une antique recette me permettant de produire d'étranges potions curatives. Si leur efficacité est des plus appréciable, elles semblent aussi favoriser un genre d'évolution chez ceux la consommant."

"Une évolution? Que voulez-vous dire?" questionna la reine, la curiosité emplissant d'intérêt ses yeux où brillait une féroce intelligence.

Montrant Lin-Lin d'un geste d'évidence, le mage poursuivit.

"Voyez vous-même. Lin-Lin s'est retrouvée blessée lors de notre voyage et, mes potions aidant, est toujours en vie et, n'ayons pas peur des mots, plus radieuse qu'elle ne l'a jamais été. Ce n'est pas une réaction certaine, il faut l'avouer, mais celles et ceux réagissant positivement à mes potions gagnent quelques avantages en plus de garder la vie sauve. Si vous désirez une autre preuve, je vous invite à attendre les gardiennes de votre fille, elles ne devraient plus tarder à présent."

"Alariel va mieux? Arca nous faisait part de son état inquiétant au jour le jour, mais elle n'osait nous laisser approcher de crainte que son infection se propage. Je m'inquiétais vraiment, mais..." commença la princesse.

"Nous étions tous inquiets, ma chérie. J'ai expressément ordonné qu'elle soit auscultée par Menthe ici présente, mais elle n'avait été en mesure que de faire descendre un peu sa fièvre..." expliqua la reine en désignant la félikine au pelage vert de sa suite.

*Et en même temps, vu qu'Arca la droguait sans cesse, elle ne risquait pas d'aller mieux du jour au lendemain.* Pouffa intérieurement John.

"Je ne doute pas du savoir-faire de Dame Menthe, Majesté. J'ai moi-même du utiliser l'une de mes potions spéciales, autant dire que son état n'était pas léger. Si je devais m'avancer sur la cause de son mal-être, je parierais sur l'une des créatures cauchemardesque qu'il m'a été donné de rencontrer dans le donjon. De sales petites vermines qui auraient aisément pu l'empoisoner d'une morsure dans son sommeil. Ce n'est que par une forte volonté de vivre qu'elle respire encore aujourd'hui...d'ailleurs..."

L'homme avait usé de sa magie d'eau pour faire rapidement sa toilette avant d'acourir, mais les deux gardiennes avaient pris un brin plus de temps.

Néanmoins, la porte venait à présent de s'ouvrir sur elles, révélant à tous le duo protecteur de la princesse, méconnaissable si l'on le comparait à celles qui étaient alors parties avec l'héritière vers le donjon.

Arca portait son armure, rutilante, coiffée avec plus de féminité qu'elle ne l'avait jamais été, mêlant grâce et fureur guerrière dans un charme intriguant.

Alariel, quant à elle, semblait plus belle encore qu'avant, ce qui n'était pas une mince affaire étant donnée ses elfiques origines.

Ses cheveux plus soyeux que jamais avaient à présent, ici et là, de légères mèches dorées qui parcouraient la rivière d'argent tombant jusqu'au milieux de son dos. Ses lèvres et ses yeux, de la même façon, mélangeaient à présent l'or et l'argent plutôt que l'argent pur, sans parler de l'aura magique plus puissante l'entourant.

"Alariel, tu vas mieux?!" l'interpella la princesse.

Posant les yeux sur l'héritière, l'elfe noire se fendit d'un chaleureux sourire en posant un genou au sol, s'inclinant devant elle.

"Votre solicitude me touche, Princesse. Oui, je suis à présent en parfaite santé. Arca a veillé sur moi tout ce temps, et l'aide que ma apporté Dame Menthe m'a été des plus utile, mais c'est bien le traitement apporté par Monsieur John qui m'a permis de revenir vers vous tous. Je vous prie de nous excuser pour ce retard, mais je me devais de faire un brin de toilette avant de me présenter devant vous. La fièvre m'avait laissée quelque peu...défraichie." se permit-elle de plaisanter légèrement, obtenant en retour l'amusement de la reine et sa suite.

"Nous sommes ravis de vous voir debout, Alariel. Et, si vous me le permettez, vous et Arca êtes particulièrement en beauté." les complimenta la couronnée, sincère.

Alors qu'elle se relevait, l'elfe noire gratifia la semi-orc d'une caresse sur la joue, tendre.

"Ma chère Arca n'a pas seulement veillé sur moi, elle m'a aussi autorisé à lui prodiguer quelques soins dont j'ai le secret..." sussura-t-elle presque, faisant un instant rougir la concernée.

"...Mais mon embellissement personnel est dû à mon évolution, Majesté. Je ne suis plus une simple elfe noire, mais une haute elfe noire, et ce grâce aux potions de votre invité. Je ne lui dois pas simplement la vie, mais aussi l'ascendance vers une meilleure version de moi-même."

"Impressionnant, véritablement impressionnant." souligna la renarde.

"Qu'en penses-tu, Kitsu? As-tu déjà entendu parlé de ce genre d'effet?" questionna la reine, curieuse.

"Lors de mes années d'aventure, il m'a été donné de tomber sur de rares artefacts, des ruines dans des donjons et d'anciens grimoires dont je n'ai, à ce jour, toujours pas compris un dixième des runes y étant écrites. J'ai honte de l'avouer, mais nombreux sont les secrets de ce monde à m'échapper encore aujourd'hui. Ai-je déjà vu ce genre de chose? Non, jamais. Mais, si j'ai eu la chance d'apprendre au moins une chose toutes ses années durant, c'est que l'impossible n'est qu'une question de relativité....Et puis, nous avons devant nous plusieurs preuves vivantes, alors..."

Finissant par incliner la tête sur le côté, la dénommée Kitsu haussa les épaules, dépitée.

"Votre fille nous est revenue, ses gardiennes sont à présent en pleine santé, j'imagine qu'il faut nous en réjouir. Néanmoins, je peux toujours analyser plus en profondeur ces dames, si cela peut vous rassurer."

"Fais donc, cela me rassurerait." acquiesça la reine.

Sortant une baguette de son corsage, l'anikine la pointa d'abord vers Lin-Lin.

S'interposant de suite, John porta la main à son épée.

"Je peux savoir ce que vous faites?!" demanda-t-il, méfiant.

En un instant, le groupe de félikins accompagnant la reine se déploya, révélant des armes et armures légères qui, sans doute magiquement cachées jusque-là sous des robes de servants factices, menacèrent bien vite le mage et ses compagnes.

Ils avaient chacun une arme leur étant propre, au moins stylisé différemment si similaire dans l'utilité.

Ils étaient à présent positionné comme suit :

Deux des filles, l'une verte et l'autre violette, protégeaient la reine et sa fille avec chacune un pavois sculpté en amande dont les bords étaient aiguisés pour s'en servir comme d'une arme et qui, par un ingénieux système d'accroche, permettait à la protection d'être séparée en deux sur la longueur pour se transformer en deux grandes lames courbes. En cet instant, cependant, les boucliers étaient scellés et prêts à bloquer toute attaque visant la couronne et sa fille.

Respectivement à gauche et à droite des deux femmes, les deux jeunes hommes, l'un jaune et l'autre indigo, étaient armés d'un arc à flèches, tout deux pointant un projectile vers les compagnes du mage.

Si ces quatre-là restaient auprès des membres de la famille royale, les trois autres semblaient plus expérimentés au corps-à-corps.

Mandarine se trouvait derrière Ambre, la menaçant de grande griffes aiguisées forgées sur des gantelets qui.

Elle était secondée par les deux dernières jeunes femmes, l'une à la fourrure et chevelure rouge maniant une lance qu'elle pointait vers Lin-Lin, l'autre aux poils bleus maniant des épées jumelles menaçant le mage.

" Lâchez votre arme, Monsieur, la demande ne sera pas réitérée... " ordonna calmement Mandarine, son regard autant que celui de ses semblables montrant clairement qu'ils ne plaisantaient pas.

"Pas avant de savoir ce que vous comptez faire à Lin-Lin..." rétorqua John, ses yeux allant d'une menace à une autre, finissant par croiser le regard inquiet de la princesse.

"J'ai juré de la protéger, après tout."

"Garde Arc-en-ciel, retenez vos griffes." demanda posément la reine, faisant se détendre un brin ceux qui étaient, visiblement, sa garde personnelle.

"Monsieur Doe, soyez assuré que nous ne voulons aucun mal à votre esclave. Ce n'est que par sécurité que je souhaite laissé ma dame de compagnie analyser magiquement son état. N'y voyez nulle malice, juste une précaution d'une mère souhaitant protéger son enfant d'un éventuel danger." expliqua la reine, pas le moins du monde décontenancé par la situation.

"John..."

L'homme sentit la main de la pandakine se poser sur la sienne, le faisant de suite desserrer son étreinte par sa douceur.

"Sa Majesté la Reine du Griffon est inquiète pour la Princesse, cela n'a rien d'étonnant. Ce n'est qu'un sort d'analyse, après tout. Je ne risque rien."

Plongeant un instant ses yeux dans ceux de sa compagne, le mage finit par soupirer en lâchant son arme, s'inclinant un instant.

"Navré, j'ai sans doute réagi un peu trop hâtivement. Si cela peut vous rassurez, analysez donc Lin-Lin." concéda-t-il.

"Ce sera rapide et indolore, je vous le promet." assura Kitsu, ne souhaitant pas plus que les autres que la situation s'envenime.

Pointant sa baguette vers la pandakine, elle activa son sort, entourant la cible d'un cercle magique qui, lentement, la parcourut de la tête aux pieds.

Au même moment, de petites runes s'envolaient pour plonger dans les yeux à peine entrouvert de la dame de compagnie, l'informant sur tout ce qui composait l'être face à elle.

*Mes capacités de Maître de la luxure sont jusqu'à présent toujours restées invisibles aux autres, espérons que cela reste inchangé...* songea le mage, réfléchissant à comment se sortir de cet éventuel mauvais pas.

Néanmoins...

"J'ai terminé, Majesté...quelque chose me semble étrange." annonça Kitsu.

*Et merde...*