Oui, il pourra probablement m'aider.

"-Oh, je ne veux pas t'embêter avec ça, j'ai juste un petit truc à faire en vitesse." Dis-je, mais une part d'hésitation revient en moi face au problème qui se pose.

Certes, la foule à diminuée maintenant que le PieMau à ouvert ses portes, mais aborder des inconnus reste une difficulté.
Je n'ai pas de mal à donner des cours à des dizaines d'étudiants, pas de mal à les recevoir dans mon bureau s'ils ont besoin, pas de mal à les interpeler quand il faut les rappeler à l'ordre. Mais à ce moment là c'est différent, c'est le travail et j'ai quelque part la solidité de mon statu d'enseignante pour m'aider. Là il s'agit de personnes que je ne connais pas, qui ne me connaissent pas et qui ne me doivent rien.

"-Tu ne m'embête pas et si je peux aider, ça sera mon plaisir." Répond-t-il. M'offrant encore un sourire rassurant.

Je ne répond pas tout de suite, hésitante. Je réfléchis et il semble que Xavier n'a pas trop envie de rester là indéfiniment.

"-Bon bah moi j'y vais, je vous souhaite une bonne soirée à tout les deux. À toute' Charles, à toute' Sarah, on se revoit au boulot." Xavier part et quelques instant après, François en a fait de même en nous saluant de la même façon.

Il ne reste que Charles et moi à une table. Je devrais lui dire pour le jeu que j'ai trouvé et que je veux revendre, mais je ne trouve pas les mots. J'ai l'impression que si je dis quelque chose, je vais passer pour ce que je ne suis pas. C'est pas mon truc d'être vendeuse, moi je donne des cours sur des sujets que je maitrise, mais aller vers les gens comme une marchande ambulante pour leur demander de l'argent en échange d'autre chose ... Je préfèrerais que ça soit quelqu'un d'autre qui s'en charge, ça serait plus simple.

"-Ecoute, t'as l'air vraiment ennuyée. Tu es sûre que tu ne veux pas m'en parler ? Je te promet d'écouter sans juger et je t'offre même un verre à boire en échange." Il pose sa main sur mon épaule en disant cela et la chaleur de sa paume me donne un peu de courage.
"-D'accord pour le verre, mais pas de rosé cette fois-ci. J'ai déjà assez bue et si je continue avec ça, je vais être malade."
"-OK, pas de rosé, je vais te prendre autre chose, tu va voir, ça va t'aider."
"-Rien de trop fort en alcool s'il te plait, je dois prendre la route après."

Il se lève en me faisant un signe du pouce pour me dire ok et va à l'intérieur du bar pour commander. J'en profite pour prendre mon portable et consulter mes messages ainsi que mes mails.
C'est un peu bizarre pour moi de me retrouver là, à un bar et en tête à tête avec un collègue. En général je rentre chez moi directement après le travail, je m'occupe de mon chat, m'occupe de mes cours et de mes corrections de copie et avance sur mes rapports pour le laboratoire universitaire où je suis chargée d'étude en optique sur un projet de cristal fluorescent capable de délivrer un rayon laser ultra-violet bien plus puissant que les laser visibles. Et quand j'en ai un peu marre de tout ça, je me coule un bain avec de la mousse, me fait un chocolat chaud et regarde une série télé où lit des histoires érotiques sur un site en ligne quand l'envie me prend d'être un peu plus ... détendue.
Être dehors à cette heure, sans que ça n'ai été prévu, c'est vraiment exceptionnel.

Charles revient et s'il s'est pris une autre bière, il me tend par contre un cocktail aux couleurs jaune orangées tirant sur le rouge avec une paille, une ombrelle plantée dans un quartier d'orange et le bord couvert de sucre coloré en bleu.

"-Merci" Dis-je en voyant ce qu'il me donne "Tu me dira combien c'est."
"-Pas la peine, je t'ai déjà dis que c'est moi qui offre. Profite juste, ça devrait te plaire je pense."

Je goute et note qu'il y a pas mal d'orange, un peu de citron, du sirop de fraise et un léger arrière gout mentholé et un peu amer. Je hoche la tête en signe d'approbation. De son côté il entame sa bière dans le même temps et nous restons quelques instant en silence, jusqu'à ce qu'il reprenne enfin la parole.

"-Alors, c'est quoi qui te pose soucis ? Quand je t'ai vu dans la foule tout à l'heure tu m'a dis que tu cherchais... quelque chose ? ou quelqu'un ?"

Il est tourné vers moi et ses yeux gris se plantent dans les miens. Je tente de tenir quelques secondes puis détourne le regard, gênée.

"-Tu .. tu promet de ne pas te moquer ?"

Il lève les mains sans parler pour dire qu'il restera impassible.
Je prend mon sac et en sort la boite de jeu que je pose sur la table.

"-J'ai ... trouvé ça par terre et je me suis que .. que je pourrais trouver quelqu'un qui le veut ... peut être le revendre."

Il prend la boite et l'observe un moment.

"-Ça a l'air sympa comme jeu ... Ce n'est pas trop mon truc mais je suppose que ça doit en intéresser." Il prend une pause puis ajoute "Après tu pourrais aussi l'essayer toi même."
"-Charle, je ne ..."
"-Je sais. Je sais. Tu n'as pas envie d'approcher d'une salle d'arcade et encore moins de tout ce qui touche à la VR. Mais c'est quelque chose que je ne comprend pas, vois-tu." Dit-il en me fixant.

Son regard ne trahis aucun jugement mais plutôt une forme de curiosité.

"Pourquoi tu y es aussi hostile ? Je comprends qu'on puisse trouver les jeux vidéo abrutissants ou les simulation de vie être des forme de drogue. Mais il n'y a pas que ça dans la VR, regarde Mourad, il a carrément un laboratoire virtuel. Et puis ce n'est pas comme si tu risquais d'y passer ta vie. Le temps d'utilisation est limité par la loi après tout."

Je baisse les yeux à sa remarque et prend du temps pour répondre.

"-C'est ... Je sais que ce n'est pas aussi horrible que je le dis, mais ... Je ne peux pas. Je ne veux pas me connecter à une de ces machines, c'est plus fort que moi."

Ma voix est basse et des souvenirs me reviennent, qui me sont désagréable.

"-Pourquoi est ce que tu ne peux pas ?"

Il pose une main réconfortante sur mon bras en me posant la question.
Je me repasse en tête d'anciens souvenir. J'essaie de réprimer le frisson qui me parcours tandis que mon estomac se noue. Les mots sont là mais je n'ose pas les exprimer... Je vais reprendre une gorgée, ça m'aidera un peu.
Cette fois je mélange tout le cocktail sans distinction et celui-ci prend une teinte rouge orange, puis je le porte à mes lèvres et prend une longue gorgée. Le gout fruité devient très sucré et je sens un peu plus la chaleur de l'alcool qui remonte dans ma gorge. J'inspire une fois et me lance enfin.

"-C'est une vieille histoire ... Quand j'avais six ans, mes parents m'ont inscrite pour un programme expérimental d'apprentissage." Je ne parle pas très fort et j'ai un peu baissé la tête, mais il m'écoute avec attention, sans m'interrompre. "Le principe était de tester s'il était possible d'implanter des souvenirs directement dans la conscience de l'utilisateur en profitant qu'a mon âge, le cerveau a encore une grande plasticité."

Je laisse un silence car a mesure que j'avance, je sais que je vais à nouveau revenir à la partie douloureuse.

"-Je crois en avoir entendu parler" Dit-il "C'était la suite d'une découverte sur la possibilité d'implanter des souvenir chez un individu. Des scientifiques avaient réussi a implanter dans la mémoire d'un rongeur la peur de la couleur bleue sans qu'il n'ai jamais été exposé à cette couleur auparavant."

Je hoche la tête.

"-Exactement et avec la création de l'immersion virtuelle totale, la VR aujourd'hui, des personnes se sont donc essayées à faire de même sur des humains... Pour voir si on pouvait apprendre en quelques instant une grande quantité de savoir."

"-Tss! Des savant fou, ils n'ont pas pensé que le cerveau ne peut pas se modifier comme un ordinateur, ça reste un assemblage de neurones qui demandent du temps pour former des connections. Aujourd'hui on sait qu'il est impossible de changer le cerveau de quelqu'un par sa connexion VR. J'imagine que le résultat n'a pas été fameux."

Je hoche la tête à nouveau, me préparant pour la partie la plus difficile.

"-L'apprentissage en lui-même n'a pas fonctionné, sur aucun des sujets de test et l'expérience a progressivement été abandonnée. Ce qui n'a jamais été révélé cependant, c'est le déroulé lui même ..."

Je m'arrête et prends plusieurs fois mon souffle. Il pose sa main sur la mienne et la serre un peu en voyant la détresse qui me prend.

"Ça a été atroce ... Ils m'ont branchée et d'un coup je me suis retrouvée dans le vide, sans aucune sensation... C'était effrayant, je ... je ne pouvais pas bouger, pas parler, je ne sentais rien ... pas même mon corps ou ma respiration ... j'étais juste consciente d'être là, dans le vide. Et puis j'ai compris que l'expérience a commencée ..."