Définitivement les deux.

Son visage se couvre d'un léger sourire et il hoche la tête. Il se lève et me tends la main. J'ai beau avoir pris ma décision, rien que de faire le premier pas est une épreuve olympique. Mais je me lève et doucement grâce à lui et il m'accompagne, sans me lacher la main, vers l'un des box.
Je continue mentalement de me répéter que je vais le faire, que je peux le faire, que ce sont juste quelques pas à faire, qu'il n'y a aucun risque, je ne vais pas spontanément m'embraser, il n'y a pas de monstre caché, c'est juste faire un pas devant l'autre.
Je sens que si la moindre hésitation me prends je vais courir dans l'autre sens jusqu'à chez moi, sans me retourner, pour me réfugier sous ma couette et pleurer.

Arrivé devant l'un des box, il tape sur un bouton de mise en route et instantanément ce dernier s'ouvre et s'illumine. Je me crispe complètement. Sa main se serre un peu sur la mienne, soit pour me rassurer, soit pour me retenir.

L'intérieur est plus grand que je ne l'aurais pensée. J'imaginais un simple cylindre avec un siège ou un lit oblique pour que je m'installe et un tas de câble et d'appareils électroniques dans une atmosphère glauque avec des truc qui font bip et qui font des flash, mais il n'en est rien. À la place c'est tout un compartiment blanc en deux parties.
La première dispose de portes vetements, d'un sol tapissé blanc, d'un lavabo avec un miroir, d'un chauffe serviettes mural et de tout le confort d'une petite salle de bain où l'on aurait remplacé, et c'est ce qui compose la deuxième partie, la douche par un une cellule cylindrique en verre dont la paroi coulisse sans bruit pour s'ouvrir, m'invitant à entrer. Je reste immobile, surprise et un peu perdue.

Charles me tire par la main pour me faire franchir le seuil de la cabine tandis que je regarde de haut en bas cet espace.

"-Je ne peux pas entrer avec toi mais il y a un haut parleur et un micro qui nous permettront de discuter.
Avant que tu t'installe dans la cellule il faudra que tu te déshabille. C'est un modèle de luxe qui prendra soin de toi pendant que tu sera immergée. Je te passe les détails mais en gros ça s'assure que ton organisme ne manque de rien même si tu reste branchée plusieurs heures."

Il lâche ma main et me demande une dernière fois.

"-C'est toujours ok pour toi ? N'oubli pas, je ne te **** à rien et tu peux à tout moment demander à annuler tout ça et on arrête."
"-Ça ...ça va aller ... C'est ... moins intimidant que je ne pensais ... j'ai l'impression que je vais juste prendre une douche."
"-Ok, c'est une bonne idée de penser comme ça. Je vais fermer la porte maintenant, mais je reste juste à côté."

Je hoche la tête et voit le monde extérieur disparaitre tandis que sans un bruit, la cabine se referme. Je prend mon souffle plusieurs fois, fait un dernier tour du regard et après quelques instant j'entends un léger grésillement suivi de la voix de Charles.

"-Sarah, tu m'entends ?"
"-Oui je t'entends."
"-Parfait, moi aussi. Je vais te briefer à mesure que tu te prépare. Pour le moment, comme je l'ai dis, il faut que tu te déshabille. Ensuite tu pourra entrer dans le caisson et tu verra sur la droite de la porte un bouton vert et un bouton noir. Le vert est pour fermer le caisson, le noir pour l'ouvrir. Tu me dis quand c'est fait. Reçu ?"
"Bien reçu" Dis-je.

Je ferme les yeux et me fait déterminée. Je retire mes lunettes que je pose soigneusement sur le bord du lavabo. Détache mes cheveux qui tombe en cascade jusque sous mes épaules et retire ma veste que j'accroche au porte manteau.
Je défait ensuite mes chaussures que je place côte à côte près de l'entrée du box et y fourre mes chaussettes en boule sans plus de cérémonies. Vient ensuite mon pantalon que j'accroche au porte vetements, ainsi que mon chemisier. Et me voila en sous-vêtements ... Je me regarde dans le miroir et voie une petite femme d'1m63, sans forme, avec un soutient gorge qui ne sert qu'a préserver un semblant de féminité ... Je le retire tout comme ma culotte et me voila nue. La peau blanche, quelques grain de beauté et un petit buisson taillé au dessus de mon intimité. Je n'aime pas les poils et même si je ne m'épile pas pour ce qui est de mon espace sacré, je prends soin de me raser régulièrement les jambes et les aisselles. Je réalise qui si je m'épilais complètement et que j'avais l'air moins fatiguée en permanence, j'aurais sans doute encore plus l'air d'une adolescente ... C'est frustrant mais je dois vivre avec.

J'entre dans la cellule et trouve le bouton vert sur lequel j'appuie. La porte vitrée coulisse sens bruit et vient sceller l'ouverture dans un petit bruit d'aspiration. L'espace est assez grand pour que je puisse tendre les bras dans chaque direction, ce qui limite un peu la sensation de claustrophobie.

"-C'est bon, je suis dedans" Dis-je en espérant que Charles soit toujours là.
"-Très bien. Maintenant que tu es là, le câble de connexion doit se trouver derrière toi quand tu regarde la sortie. Tu te connecte et une fois fais, un masque respiratoire va descendre."
"-Un masque respiratoire ?"
"-Oui, ne t'en fais pas, c'est tout a fait normal. Pendant que tu sera dans la VR, la cellule va se remplir d'une solution pour te suspendre et permettre de connecter les appareils de suivi à ton corps pour s'occuper de tout tes besoins organiques. C'est un avantage de ce modèle là. Sur les modèles standard il est obligé de manger et d'aller aux toilettes avant de s'immerger et si un problème survient ça annule l'immersion et il y a un surcoût à payer pour l'entretien. Ici, la cellule s'occupe de tout."
"-Ah" Dis-je ... Je ne réfléchis pas trop à tout les détails. Maintenant que je suis là et qu'il me parle du câble de connexion, un nouveau doute s'immisce en moi. Je le chasse d'un revers de la main mentalement et avant que je n'hésite à nouveau, je saisi la prise d'une main et de l'autre vient chercher sous mes cheveux, près de ma nuque, le port neuronal dans lequel je dois me brancher. Je sens sa surface métallique sous mes doigts, la forme ronde de l'ouverture centrale bloquée par une couche imperméable que je défait ... Je prend une première inspiration ... Une deuxième ... Je sens mon cœur battre à mes tempes et mes muscles se figer ... d'un mouvement sec j'insère la prise en fermant les yeux.

Je suis totalement immobile ... j'attends. Il ne se passe rien. Je relâche doucement mon souffle et ouvre les yeux. Je suis toujours dans la cellule. Devant moi un masque est descendu, raccordé à un tuyau, il est suffisant pour couvrir mon nez et ma bouche.

"-Avant que tu enfile le masque respiratoire, je te donne les dernière consignes. Sur ta gauche en regardant vers la sortie, tu as un gros bouton rouge d'arrêt d'urgence. Si tu appuie dessus, tout le système s'arrête et la porte s'ouvre pour te permettre d'évacuer instantanément. Bien sur tu ne peux appuyer dessus que si tu es consciente. Pour la période où tu es dans la VR il faut que tu définisse un mot de sécurité. Une phrase courte que tu ne poncerait qu'en cas d'urgence. Y penser permet aussi d'activer la sortie d'urgence. Tu as une idée de phrase de secours ? pas quelque chose de trop long bien sur. Quelque chose que tu pourra retenir facilement."

Je réfléchis un moment et dans mon esprit, la phrase "pizza à l'ananas" se forme, cependant c'est un meme connu et il m'est déjà arrivé d'entendre des étudiants en rire. Mais je peux prendre une idée pas trop éloignée.

"-Pizza Pamplemousse" Dis-je.
"-Pizza Pamplemousse ..." l'entends-je répéter. "Ok, pourquoi pas, c'est vrai que ça viendrait pas comme ça tout seul à l'esprit. Très bien, c'est enregistré dans l'appareil.... Bien, maintenant que tu es connectée, je vais lancer la mise à jour de ta connexion, tu va ressentir un léger picotement dans le corps, c'est normal."

Je hoche la tête bien qu'il ne puisse pas me voir et me tient droite, me préparant à encaisser. Un frisson part de ma nuque et me traverse tout le corps jusqu'au bout des doigts et des orteils puis disparait.

"-Heu ... c'est tout ?"
"-Tout à fait. La mise à jour est faite, tu es maintenant parfaitement connectée, il ne te reste plus qu'à enfiler ton masque et appuyer sur le bouton start situé au dessus de celui d'arrêt d'urgence. Tu appuie quand tu veux et on se retrouve de l'autre côté"

Je regarde le bouton de démarrage et me prépare au grand saut. J'ai un peu la sensation que je vais sauter d'un avion. Je suis la dernière, je suis au dessus du vide et je me demande ce que je fous là ... Pourquoi est-ce que je ne suis pas restée au sol ... Pourquoi est ce que je ne suis pas restée hors de cette cabine ...

"-Démarrage en cours. Bienvenue dans la réalité virtuelle, par VR Industries."

Une voix synthétique aux accent féminin resonne dans la cellule quand enfin j'appuie sur ce foutu bouton de démarrage et pendant un instant j'entends et je sens l'eau remplir le caisson alors que le monde autour de moi s'efface.