Un changement de réalité

Brie manqua soudain perdre l’équilibre, comme si le monde s’était mis à tourner autour d’elle. Elle s’agrippa au podium sur la scène pour ne pas tomber, tout en portant la main à son front.

-Qu’est-ce que…

Elle écarquilla les yeux. Tout devenait flou autour d’elle. Une lumière de plus en plus aveuglante noyait le monde qui l’entourait, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de fermer les yeux. Elle resta ainsi quelques instants, incapable d’ouvrir l’œil, les mains crispées autour de son crâne, luttant contre une migraine soudain.

Au bout de quelques secondes, la lumière se fit moins aveuglante, elle parvint à nouveau à ouvrir les yeux. La foule l’observait toujours, et pendant un instant, elle se convainquit qu’il ne s’était rien passé, qu’elle s’était juste trouvée mal un moment sous le coup de l’émotion ou du stress. Elle voulut reprendre la parole.

-Non mais genre, c’est tellement swag de…

Elle s’interrompit soudain et porta la main à sa bouche. Sa voix ! Quelque chose lui était arrivé. Elle avait le timbre de voix d’une bimbo décérébrée. Et les mots qu’elle venait de prononcer. Qu’est-ce qui se passait ?

-Genre non, attendez, ça me fout le seum…non !

Elle se sentit soudain prise de tremblements en réalisant qu’elle ne contrôlait plus sa voix ni le vocabulaire de pouf ahurie qui franchissait ses lèvres. Elle parcourut la foule devant elle d’un regard paniqué, et vit soudain un changement. L’admiration dans les regards de son auditoire avait disparu, remplacé par une expression moqueuse. Les gens se foutaient ouvertement de sa gueule.

-On applaudit bien Brie Larson, Bribri Gorge Profonde pour les intimes. Ce n’est pas le trophée le plus prestigieux, mais c’est le seul qu’elle soit capable de gagner.

La salle éclata de rire. Brie se tourna vers celui qui venait de parler. Le présentateur qui lui avait remis l’oscar avait disparu. À sa place, John Doe, vêtu d’un costard, la fixait avec un large sourire.

-Toi, souffla Brie. C’est toi qui a…

-Mais c’est qu’elle parle beaucoup quand elle n’a pas une verge dans la bouche ! s’exclama John, provoquant de nouveaux rires dans la salle.

-Non, écoutez…

Le regard de Brie s’attarda soudain sur le trophée qu’elle tenait à la main. Là où se trouvait auparavant la statuette classique des oscars se trouvait à présent une figurine représentant une bite en or. Sur le socle se trouvait une inscription : trophée de la plus grosse suceuse de Hollywood.

Au moment où elle vit ces inscriptions, elle sentit soudain son cerveau envahi par une foule de souvenirs. Son incapacité à retenir la moindre réplique ou à réussir quoi que ce soit sans devoir passer sous le bureau, ces longues soirées passées à tourner entre tous les producteurs de Hollywood pour obtenir un rôle dans une série Z.

Brie secoua soudain la tête. Non ! Ce n’était pas possible. Elle était Brie Larson, une actrice reconnue, pas une bimbo stupide. Elle voulut marcher vers John pour l’obliger à réparer ce qu’il avait fait, mais elle perdit l’équilibre et tomba à la renverse. Une fois à terre, elle vit ce qui l’avait fait tomber. Au lieu des chaussures élégantes qu’elle portait à son arrivée sur le podium, elle avait désormais des talons à aiguilles bons pour faire le trottoir. Sa tunique raffinée avait été remplacée par une robe vulgaire. Mais le plus terrifiant était sans doute ce qui était arrivé à son corps. Elle avait toujours été mince, sans trop de formes. Mais à présent, elle observait deux obus siliconés qui avaient remplacé son bonnet A. Ses fesses avaient explosé de volume, amortissant sa chute. Ses nouvelles courbes remplissaient parfaitement sa robe d’allumeuse. Elle porta la main à sa bouche et sentit les lèvres enflées, bourrées de collagène. Ses cheveux, désormais d’un blond qui n’avait rien de naturel, lui descendaient désormais jusqu’en bas du dos. Sa peau avait pris une teinte orange sous l’effet de l’auto-bronzant. Elle avait désormais toute l’apparence d’une actrice porno.

Prise par un sentiment d’impuissance devant ce qui lui arrivait, Brie se mit à sangloter. John lui tendit la main pour l’aider à se relever, et elle accepta sans réfléchir.

-Du calme, je te promets que dans quelques minutes, tu te sentiras beaucoup mieux, fit-il en passant sa main autour de sa taille.

-Tu…tu crois, bafouilla Brie, qui avait de plus en plus de mal à se concentrer.

-Absolument. Suis-moi. On sera plus tranquille et je te veux pour moi tout seul.